Là où chantent les écrevisses

“Pense surtout pas que la poésie, c’est rien qu’un truc de filles. Il y a des poèmes d’amour à l’eau de rose, c’est sûr, mais y en a aussi des drôles, beaucoup qui parlent de la nature, et même de la guerre. L’idée au fond c’est qu’ils te font toujours ressentir quelque chose.” Son père lui avait dit de nombreuses fois que la définition d’un homme, un vrai, c’était qu’il savait pleurer sans honte, qu’il pouvait lire de la poésie avec son cœur, que l’opéra touchait son âme, et qu’il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme. »

Le plus doux des poisons

« — Tu crois que tu as été choisie parce que tu n’as rien à offrir. (Iel marque une pause.) Est-ce qu’il t’est venu à l’idée que, peut-être, tu as été choisie parce que ce que tu as à offrir est différent ?

Je ne sais pas quoi répondre.

— Tu crois que tes actions ne comptent pas ? Que la gentillesse n’a pas de pouvoir ?

— Pas ici, dis-je.

— Surtout ici, au contraire. (Iel relâche mes épaules.) Ceux qui semblent y être le plus imperméables sont ceux qui en ont le plus besoin.

Je renifle et m’essuie les joues avec les paumes.

— Sauf que ça ne marche pas.

Iel sourit.

— Pardonne-moi cette comparaison, mais… la gentillesse, c’est comme un poison. Elle n’agit pas toujours tout de suite. (Iel croise les mains.) Ton pouvoir est de ceux qui accompagnent quelqu’un à vie. Les flammes magiques émerveillent, les épées magiques tranchent. Mais, sur leur lit de mort, ce n’est pas de ça dont les gens se souviennent. Et, crois-moi, j’en ai vu, des lits de mort. »