« Elles ont cette douce disgrâce des choses qu’on trouvait belles avant, cette saveur aigrelette des choses que l’on regrette quelques années plus tard.
Ces grands serments, ces gigantesque promesses, ces phrases folles, ces métaphores qui nous font après coup crisser des dents, ces monstrueuses hyperboles, ces anaphores ridicules, et qui pourtant alors nous paraissaient si vraies, si belles, que nous pensions nous être coulé en elles jusqu’à n’avoir plus de corps que les courbes de leurs majuscules, et d’autre réalité que les murmures, et que les mouvements des lèvres, de celui ou celle
à qui elles étaient destinées et qui les lisait quelque part roulant sur sa langue nos « r » et faisant frissonner nos « f »…
Il nous semblait alors que nous n’étions rien de plus et rien de moins que ce souffle chaud : la sculpture de nos mots ouvragée par ces lèvres. »